Vestiges | REPORTÉ
BENJAMIN KARIM BERTRAND

Le vestige peut désigner la trace d’un pas, son reste sur le sable, vestige d’une présence sur le sol dont nous ignorons l’origine, fumée que nous regardons sortir de la forêt sans savoir de quel feu elle est la combustion. Le vestige désigne moins le paysage d’une disparition qu’une oasis invisible ayant survécu au passage du temps, un indice discret et persistant dans la mémoire. De ces indices, Benjamin Bertrand a produit une archive à partir de 196 danses filmées durant sa résidence à la Villa Kujoyama, à Tokyo. Au Japon, il a pratiqué le théâtre Nô, théâtre traditionnel où le monde des vivants communique avec le monde des morts, où l’acteur devient le passeur des gestes endeuillés des spectres. Il capture pieds, mains et visages pour former un atlas gestuel de ces danses mélancoliques.
S’il existe des vestiges, il existe donc aussi des passeurs. Ou plutôt des héritiers, les héritiers du feu. Mais de quel feu sommes-nous les héritiers ? Peut-être que ce feu a quelque chose à voir avec l’histoire des larmes : larmes de l’amour, larmes de la colère, larmes de la naissance.
Au contact de cet atlas, il s’agit alors de rejoindre une zone à la fois actuelle et archaïque où le corps se laisse frôler, transpercer, accaparer par les gestes des morts, où il «apprend à faire mémoire et à vibrer avec les fantômes», pour reprendre les mots de Donna Haraway. Dans l’exposition de ces gestes en partage, nous entendons le bruit de fond où les vestiges du feu se mêlent aux cendres déposées, le bruit du monde, la clameur de la rue, son brouhaha, le débordement.
Conception, chorégraphie, interprétation : Benjamin Bertrand
Montage et installation sonore : Florent Colautti
Lumières : Abigail Fowler
Coproductions et soutiens : Ménagerie de Verre, TAP – Théâtre Auditorium de Poitiers, L’Institut Français – Villa Kujoyama – Fondation Bettencourt-Schuller, festival Artdanthé (Vanves), Ville de Poitiers
Durée : 90 minutes
